Après avoir rapidement pris la mesure de Wolfsburg dans la même formule, le Bayern a fait exploser Arsenal 5-1 à Munich. Comme Porto l’an dernier, les Londoniens – malgré un repli solidaire et massif – ont cédé face à un système ultra-offensif, qui – au moment de la finition – confronte leur défense à la gestion de 5 attaquants.
Relance en 4-2-3-1 : le double pivot et les angles de Thiago
Au moment de la première passe, le Bayern ne se positionne pas encore avec 5 attaquants. Son schéma ressemble à un 4-2-3-1/4-2-4, et Lahm et Alaba sont bien des latéraux, avec un rôle classique : étirer le bloc adverse, tout comme le font les centraux Boateng et Javi Martinez. C’est ensuite que la méthode offensive devient plus spéciale.
Guardiola n’a jamais essayé de trouver un clone de Busquets pour son Bayern. C’est le double pivot Xabi Alonso – Thiago Alcantara qui propose des solutions devant la défense au moment de la sortie de balle. D’un point de vue dogmatique, c’est une entorse à la fameuse Salida Lavolpiana, réinstaurée par Guardiola au Barça.
Mais d’un point de vue pratique, c’est une utilisation à bon escient de la technique exceptionnelle de Thiago Alcantara, et de sa capacité à trouver des angles fous (aussi grâce à ses dribbles courts), à l’instar de Modric, qui rayonne cette année dans un Real dont le cœur du jeu est également souvent composé d’uniquement 2 joueurs.

Plus de surnombre axial pour Guardiola : le double pivot a remplace le simple (ou le triple) pivot qu’il employait à Barcelone pour sortir le ballon
Contre Wolfsburg, on a vu Xabi Alonso et Thiago venir proposer des solutions aux centraux à « l’extérieur » du duo d’attaque Dost – Draxler pour aider à sortir le ballon. Thiago dézone également souvent très latéralement, jusqu’à la zone de David Alaba. Pour fluidifier cette sortie de balle, il n’est également pas rare de voir Douglas Costa venir occuper une surprenante position de relayeur droit (sa flèche dans le schéma ci-dessus), comme pour être un troisième homme de ce cœur du jeu à 2, comme peuvent également l’être Lewandowski ou Muller par séquences, au moment de la sortie de balle.
Verticalité et passes diagonales : Reculer ou mourir
Ensuite, selon les circonstances et le comportement du bloc adverse, l’action peut évoluer de plusieurs manières.
En théorie, cette première approche a pour but d’étirer le bloc adverse pour le transpercer. Evidemment, si le repli adverse est trop lent ou indiscipliné, le Bayern laissera ses talents s’exprimer instinctivement dans la verticalité.
L’attaque immédiate de la profondeur sera également l’option choisie au en cas de récupération haute dans le camp adverse. Si l’adversaire ne résiste pas à cette attaque directe (auquel cas, cette analyse s’arrêterait là), il doit alors passer à un repli massif, pour ne pas exploser face à ce qui n’est alors qu’un quatuor d’attaque (Coman –Lewy – Costa – Müller).
Les transversales de Boateng vers ses ailiers ont également vocation à forcer l’adversaire à un repli très prudent, le privant parfois de toute possibilité de transition offensive, et pérennisant plus que jamais la domination territoriale du Bayern (on peut posséder le ballon sans maitriser le territoire). Quand Boateng sollicite Coman, le bloc adverse s’étire en largeur. Forcément, il faut se replier massivement pour combler les trous.

Les « coins » de Coman et Müller recherchés en priorité par Boateng, notamment en début de partie
Compte tenu de cette force de frappe et de cette menace (déjà 4 attaquants entre le milieu et la défense adverse au début de l’action), les adversaires du Bayern optent souvent d’emblée pour un repli massif et bien organisé.
Guardiola a donc du trouver de nouvelles solutions offensives pour faire exploser ces bus.
Occupation : 5 attaquants dans 5 intervalles
Une fois l’adversaire replié, en 4-4-2 ou en 4-5-1, une ligne de 5 attaquants se forme pour occuper les 5 intervalles formés par le bloc adverse :
- intervalle 1 : ligne de touche droite – milieu latéral droit (Coman)
- intervalle 2 : milieu latéral droit – milieu central droit (Alaba)
- intervalle 3 : milieu central droit – milieu central gauche (dans le quel on peut également trouver le 6 adverse) (Lewandowski)
- intervalle 4 : milieu central gauche – milieu latéral gauche (Douglas Costa)
- intervalle 5 : milieu latéral gauche – ligne de touche gauche (Müller)

La même logique que contre Porto en avril dernier : 5 attaquants dans 5 intervalles et un repli qui se complique pour l’adversaire, avec un 4v4 de fait avec son back4 (un qui fixe, les 4 autres dans la boite)
La supériorité numérique n’est pas une vérité absolue en football, mais c’est quand même la plupart du temps ce qui permet à une équipe ultra-défensive de contrôler les débat dans le dernier tiers du terrain. C’est pour créer des supériorités numériques dans des zones-clé que les équipes cherchent à être compactes.
L’expression « garer le bus » veut dire ce qu’elle veut dire. Avec 8 ou 9 joueurs sur 20 mètres devant sa surface face à 3 ou 4 joueurs offensifs, on peut avoir le contrôle de la profondeur / de l’explosivité adverse en se basant sur une organisation défensive rigoureuse. C’est un ignoble cliché, mais en un sens, défendre est plus facile qu’attaquer.

Le 4-4-1-1 ultra-betonista de l’adversaire sur le tableau Velléda ?
C’est là que la réponse de Guardiola à ce repli massif est intéressante, car ingénieuse, et terriblement efficace. Contre Porto l’an dernier, Bernat et Rafinha (latéraux à la base) venaient se positionner autour de Xabi Alonso une fois le repli effectué, alors que Thiago se joignait à « l’attaque à 4 » autour de Lewandowski, Müller, Götze et Lahm. Malgré l’absence d’ailier percutant (Robben et Ribery blessés), le Bayern avait fait exploser l’équipe de Lopetegui en une mi-temps en pilonnant sa surface après l’avoir forcé au repli grâce aux diagonales et au nombre.
Mercredi, la logique était la même. A l’exception du fait qu’Alaba passait directement du poste de latéral gauche à celui d’attaquant « intervalle 2 » (Coman – Alaba – Lewy – Douglas – Müller), ce qui s’inscrit d’ailleurs dans la logique du dézonage « arrière – gauche » de Thiago, décrit dans le premier paragraphe. D’ailleurs, les duos [Coman – Alaba] et [Douglas – Muller] peuvent s’échanger les rôles au fil du match, rendant le schéma encore plus imprévisible, voire « inscoutable » pour l’adversaire.
De l’autre côté, Lahm devenait quant à lui le 3e milieu de terrain autour de Thiago et Xabi, même si son rôle n’était finalement pas si axial que ça.
En joignant Müller, avec une activité non seulement axiale, mais également latérale, il forçait Alexis à se replier, laissant le seul Giroud face à un bus de 9 joueurs de champ, faisant toujours plus reculer le bloc d’Arsenal.
Profiter du recul, pour punir grâce au nombre dans la boite
Après ce repli forcé, une fois que l’ailier (Coman ou Muller) a fixé le latéral, la passe en retrait vers le relayeur (Thiago ou Lahm) peut être fatale.
L’espace s’est peu à peu agrandi au fil du match au moment de la réception de cette passe entre Thiago – Lahm et le premier rideau d’Arsenal. Cela a ouvert beaucoup de possibilités intéressantes pour le Bayern, que ce soit pour frapper de loin, centrer, combiner dans l’axe, ou tout simplement renverser le jeu de l’autre côté via Xabi et l’autre relayeur du 2-1-2-5.
Le schéma a été hyper répété hier, notamment avant l’ouverture du score :
- diagonale longue de Boateng (ou même courte de Thiago) pour Coman
- fixation de Debuchy + repli de Campbell
- passe en retrait pour Thiago
- liberté pour Thiago, face à un adversaire qui fatigue
- prise d’info / centre vers la surface, ou les 4 attaquants (5 moins Coman) produisent une égalité numérique ingérable pour les Gunners
Le nombre dans la surface est primordial, et si le repli n’a pas eu le temps de s’opérer, et que le centre vient de l’ailier (pas besoin de fixer, puis de passer par le relayeur), le second ballon est fatal à l’adversaire, comme c’est le cas sur le 2-0 inscrit par Müller, après une remise de Coman, alors que Lewandowski était également dans la boite.
Quand le Barça et son jeu placé se cassaient les dents sur des bus – à Stamford Bridge en 2009, comme à Madrid en 2011 – le Bayern de Guardiola a désormais d’autres arguments offensifs pour les faire exploser. Des ingrédients étrangers au dogme catalan : du nombre dans la surface, des centres, de la verticalité et des longs ballons.
D’un point de vue stratégique, c’est ce qui rend cette formule très excitante en vue des prochains tours de Ligues des Champions.
Victor
Superbe article, Guardiola a trouvé la clé pour faire de cette équipe une machine infernale, un bonheur pour les yeux de voir une telle équipe, un condensé parfait du plus beau du football : technique, tactique, mouvement, explosivité, talent, puissance… Même Neuer est un fin technicien. Il ne manque plus qu’à cette machine les grands matchs pour sublimer tout ça et inscrire cette équipe dans l’histoire. Guardiola est vraiment le Kubrick du football….
Merci encore pour cette analyse limpide!
L’explication est limpide et claire. Guardiola et son staff sont vraiment épatants.
Merci pour tous 🙂
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ce Coach est intelligent mais je ve lui depassé