Opposé mercredi à la Juve d’Antonio Conte, le Real de Carlo Ancelotti a remporté sa troisième victoire en Champions’ en affichant une grande sérénité, face à une Juve productive, mais moins bien organisée. Grâce à une remarquable versatilité et de nombreuses options tactiques, Madrid s’est aussi bien montré capable de poser de longues séquences que de fissurer cette Juve audacieuse par des contres assassins. Une Juve qui aura cru – un moment – pouvoir lui tenir tête. Si proche, si loin…
Configuration Ligue des Champions pour le Real : l’expérience au pouvoir derrière avec les tauliers Pepe et Arbeloa plutôt que les jeunes pousses Varanne et Carvajal. La réalisation annonce un 4231. Dans les faits, le Real joue plutôt en 4-3-3 avec un triangle en 1-2 au milieu : Illaramendi derrière Khedira et Modric. Devant, le trio Ronaldo – Benzema – Di Maria est très mouvant et échangera les positions tout au long du match.
Côté turinois, Conte pose un 4141 avec Tevez à gauche et Llorente en pointe. Les difficultés rencontrées face à Galatasaray et le naufrage de dimanche dernier à Florence auront eu raison de son 352. Pas d’Asamoah ni de Padoin, mais une vrai défense à 4 : Ogbonna – Chiellini – Barzagli – Caceres. Au milieu, en plus de Tevez ; Pirlo, Pogba, Vidal et Marchisio, qui se disputent habituellement 3 places, sont tous alignés.
La finesse de Di Maria, le Cristiano axial de Carlo
La Juve clame ses ambitions offensives dès l’entame. Vidal récupère très haut dans les pieds de Benzema et Marchisio inquiète Casillas de 25 mètres. Si l’entame de la vieille dame est volontaire (elle va beaucoup tenir le ballon jusqu’au rouge), il en faudra visiblement plus pour inquiéter ce Real-là : Après un une-deux fluide avec Khedira, Di Maria fait mine de frapper et sert parfaitement Cristiano dont l’appel oblique de gauche à droite détruit la remontée trop flottante de la défense bianconera. Le réalisme froid du Portugais finit le boulot. 1-0 dès la 5e.
Mourinho aimait Di Maria pour son abatage et sa combativité. Il fait parler sa finesse en distillant cette passe subtile dans l’espace. Avec le départ d’Özil, il est logique que cette facette de l’ancien Benficiste soit mise en pleine lumière sous Ancelotti. Même s’il avait déjà prouvé sa capacité de création par le passé. Côté tactique, dans le 433 de Carlo, les courses de Cristiano Ronaldo sont exclusivement effectuées vers l’axe ou la droite et le Real joue sans véritable milieu gauche, si ce n’est Marcelo, positionné très haut.

Marcelo joue très haut et devient presque milieu gauche, alors que Cristiano, très libre sur le terrain, se déporte jusqu’à l’axe droit de l’attaque madrilène.
Llorente, Hard in the paint
La Juve l’a bien compris et sur la plupart de ses nombreuses attaques, les centres viennent de la droite. A leur réception : Fernando Llorente. En remise, l’ancien de l’Athletic Bilbao prend tous les ballons. Grâce à ce point d’appui puissant, athlétique et adroit, la Juve va jouir d’un gros temps fort jusqu’au premier tiers du match. Pogba cherche une première fois son pivot à la 12e et oblige Casillas à une sortie périlleuse au point. Cinq minutes plus tard, le géant basque est à la réception d’un nouveau ballon distillé par le jeune Français, mais sa remise pour Tevez est un peu longue. C’est aussi lui qui remet le ballon que Carlitos va envoyer tout prêt de la lucarne de Casillas à la 20e, après un centre de Caceres.
Opposé à une des (la ?) meilleures charnières centrales du monde, le Basque pèse sur le duo Ramos-Pepe et domine dans les airs, en faisant parler son bagage complet : puissant dos au but et adroit en remise. Il valide en toute logique ce gros temps fort turinois à la 22e, après qu’un Pogba vertical lui ait parfaitement remis un centre un peu long de Caceres, toujours depuis le côté droit. 1-1. Sa sortie – précipitée par le rouge de Chiellini – est applaudie par le Bernabeu. Classe.

Llorente, point d’appui de la Juve jusqu’à sa sortie, dès la 50e. Le Basque se montre constamment menaçant, pèse sur la défense madrilène et crée de nombreuses situations dangereuses grâce à son jeu en remise.
La tranquillité du Real / Les ennuis de Chiellini
Globalement jusqu’alors, la Juve est plus entreprenante que le Real dans le jeu. Cela dit, l’équipe d’Ancelotti dégage une grande tranquillité quand elle défend, et crée facilement le danger, lorsqu’on croit qu’elle subit. C’est sur un coup de pied arrêté qu’elle va reprendre le contrôle des opérations. C’est Ronaldo qui le provoque en faisant parler sa technique et sa puissance, alors qu’il était pris à deux par Caceres et Vidal. Le coup de pied, botté par Modric, plonge vers la droite de la surface. Il n’y a pas grand danger, mais Chiellini est pris au duel par Ramos. Placage haut. Penalty. Ronaldo fusille Buffon et voilà la Juve renvoyée à ses chères études après une demi-heure de jeu. Dur.
Alors oui, la Casa Blanca a concédé trop d’occasions, notamment en début de match, pour qu’on puisse parler d’une vraie rouste tactique. Cela dit, les armes de ce Real sont nombreuses pour sortir de ses temps faibles. Les longues diagonales de Ramos, la qualité de son pressing collectif, sa force sur les coups de pieds arrêtés, sa puissance athlétique et sa verticalité, même sans Gareth Bale. Déjà, avant le but, après le temps faible des 25 premières minutes, c’est une longue séquence de passes tout en largeur – avec Illaremendi en regista, et Modric en playmaker – qui permet aux Madrilènes de reprendre des nouvelles de Buffon, sur une frappe puissante du Croate. Après le penalty, Madrid pose le pied sur ballon et finit le premier acte sans encombre.
Super Cristiano Kart
La deuxième mi-temps commence sur les mêmes bases que la première, avec une Juve entreprenante et offensive. Alors qu’elle attaque en nombre dans le camp madrilène, la puissance de contre du Real va provoquer l’expulsion de Chiellini. Benzema redescend chercher un ballon très bas. Il sert Di Maria. A cet instant, Ronaldo a déjà commencé à contourner Ogbonna. Il va être parfaitement servi dans l’espace par l’Argentin, CR7 ramasse un champignon et dépose Chiellini. Une nouvelle fois positionnée axe droit, Cristiano fait parler sa puissance athlétique et pousse le défenseur italien à une grosse faute. L’ancien Mancunien filait au but et Chielinni était battu. Faute, et donc rouge. En attaquant en trop grand nombre, les Turinois ont sous-estimé la versatilité et la force de contre-attaque de ce Real. Mal leur en a pris : Leurs derniers espoirs partent en fumée, en même temps que Chiellini à la douche.

Le circuit Benzema – Di Maria – Ronaldo fonctionne à merveille et permet au Real de placer un contre assassin, qui conduit au rouge. Conte sent venir le désastre à la perte du ballon (1ere image à gauche) et sonne la retraite. Trop tard.
Le rouge redistribue les cartes et le Real peut tranquillement (re)mettre le pied sur le ballon. Les merengues posent à nouveau de longues séquences tout en largeur dans les 30 derniers mètres d’une Juve qui est passée en 441, avec le seul Tevez devant. Dur pour les Turinois d’exister dans de telles conditions. Le Real gère les affaires courantes jusqu’à la fin du match, et aurait même pu régler définitivement clouer le match par Benzema, servi par Arbeloa.
On peut s’interroger sur la manière dont Conte a géré le rouge. Pourquoi sortir si tôt un Llorente qui était son meilleur atout offensif ? Son équipe joue depuis 2 ans en 3-5-2. Pourquoi n’a t-il pas tenté un 3-4-1-1 en laissant Llorente sur le terrain ? Peut-être a-t-il eu peur d’être travaillé en largeur ou en contre par Ancelotti avec une défense à 3 ? A raison.
Carletto’s way
Si le projet de Conte était ambitieux, il était peut-être un peu candide de penser que face à une équipe madrilène dotée d’une telle force de contre-attaque et de verticalité, presser haut et poser de longues séquences suffirait pour gagner. Etait-ce son idée ou ses hommes se sont-ils montrés trop indisciplinés ? Ils ont tout de même existé dans ce match, mais ont finalement été punis par une équipe qui, grâce à un large éventail d’options tactiques, a toujours su trouver la solution pour sortir de ses temps faibles.
Ancelotti n’allait quand même pas se faire marcher dessus par son ancien capitaine. On l’a vu l’an dernier avec son PSG : les équipes qu’il dirige ne sont jamais vraiment dominées lorsqu’elles laissent le ballon à leurs adversaires. Au contraire, le danger peut même augmenter si la possession se rallonge à outrance ou si l’occupation provoque des fissures derrière. La Juve en a fait la douloureuse expérience ce mercredi. Le Barça sera-t-il plus prévoyant ?
Victor