Juve 3-0 Roma : Possession stérile et manque d’audace offensive : la Roma touche ses limites à Turin

Grâce à une grande maitrise tactique, la Juve a fait exploser la Roma dimanche soir dans le choc de la 18e journée de Serie A. En dépit d’une possession largement supérieure à celle de leurs adversaires, les Romains n’ont jamais été en mesure d’inquiéter la Vieille Dame, pénalisés par la faiblesse de leur pressing. L’équipe de Conte fonce vers son 3e Scudetto.

Arturo Vidal, buteur sur l’ouverture du score

Arturo Vidal, buteur sur l’ouverture du score

Le manque d’audace de la Roma

Si les Romains ont possédé le ballon dans les grandes largeurs, à aucun moment ils n’ont mérité de gagner le match. Face à cette Juve ultra-compacte et regroupée, ils ont terriblement manqué de pénétration et n’ont pu produire leurs échanges que dans les deux premiers tiers du terrain. Jamais ils n’ont été en mesure de déstabiliser la Juve en combinant dans le dernier tiers en prenant le parti définitif d’asphyxier la Vieille Dame. Les Romains ont souvent stationné dans le camp de la Juve, mais ils n’en ont jamais vraiment fait le siège en occupant vraiment en nombre, ou en osant (pouvant) combiner très haut. Une fois arrivé dans les 30 derniers mètres, leurs échanges étaient précipités, et toutes les passes étaient faites vers l’avant.

Par peur de se faire contrer ? Possible. En tout cas, l’équipe de Rudi Garcia a aussi manqué d’ambition dans sa manière de défendre. Les Romanistes ont consommé plusieurs temps faibles. Pendant ceux-là, on les a vu défendre finalement très bas, sans agressivité, et sans avoir l’audace de déclencher le pressing tout terrain sans lequel une possession aussi disproportionnée n’est que peu avantageuse. Jamais, on a vu la paire Benatia – Castan flirter avec la ligne médiane en jouant clairement le hors-jeu. Les deux stoppeurs romains sont toujours restés 10 bons mètres derrière, même au plus fort de la « domination » de la Louve. Il faut dire que dans les duels, surtout dos au but, le duo Llorente – Tevez les a largement dominé. Offensivement aussi, les deux stoppeurs n’ont jamais donné la « première largeur » de l’attaque placée, en prenant la place de leurs latéraux.

Finalement, la Roma ne peut pas revendiquer une quelconque domination sur la Juve. Témoin sa manière de défendre, très prudente, et très bas sur le terrain.

Finalement, la Roma ne peut pas revendiquer une quelconque domination sur la Juve. Témoin sa manière de défendre, très prudente, et très bas sur le terrain.

65% de posession de balle pour les Romains, mais 5 hors-jeux à 0 pour la défense de la Juve. La Rome défend finalement très bas et n’a pas l’audace de presser haut en jouant la ligne.

65% de possession de balle pour les Romains, mais 5 hors-jeux à 0 pour la défense de la Juve. La Rome défend finalement très bas et n’a pas l’audace de presser haut en jouant la ligne.

1-0

L’ouverture du score de Vidal sanctionne un bloc très bas manquant clairement d’agressivité défensive. Sur cette séquence, on voit que Totti défend sur Pirlo alors que De Rossi joue les 5e défenseurs, laissant Bonucci, premier relanceur Turinois, sans adversaire direct. Au cours de l’action, trois duels vont voir un Turinois réussir une passe dos au but, malgré la pression d’un Romain. Tevez, au duel avec Castan, sert Lichsteiner ;  Vidal face à Pjanic, sert Tevez, avant que l’apache ne délivre le alley-oop final au Chilien. Avec De Rossi sur le dos. Manque d’agressivité collective et individuelle, absence de (premier) pressing. Finalement, après un quart d’heure, même si elle possède le ballon dans les grandes largeurs, la Rome est punie on ne peut plus logiquement vu son manque d’audace à la fois offensive dans l’utilisation du ballon, et défensive dans l’agressivité et le pressing.

L’action du 1-0, dans la continuité de la capture précédente. Le bloc romain, très bas, et incapable de monter d’un cran, se fait marcher dessus et craque logiquement.

L’action du 1-0, dans la continuité de la capture précédente. Le bloc romain, très bas, et incapable de monter d’un cran, se fait marcher dessus et craque logiquement.

La solitude de Totti

Le rôle défensif de Totti dans le 433 aura été la clef du premier quart, au terme duquel le match bascule. S’il pouvait rejouer ce match, Garcia le commencerait sûrement en 4231. Son capitaine a été terriblement seul au pressing, tiraillé entre deux tâches : surveiller Pirlo au risque d’ouvrir la première relance de Bonucci et inversement. Le manque de pressing n’a offert que trop rarement à la Roma le 3 contre 3 que Garcia avait peut-être en tête. Plus souvent, ce fut un 2 contre 1 : Bonucci et Pirlo contre Totti, voire un 4 contre 1, vu la faible activité de Gervinho et Llajic, comme l’illustre l’angle de passe trouvé par Bonucci ci-dessus.

Les triangles du 433 romain annihilés

Après l’ouverture du score, les Romains ont essayé de faire ce qu’ils n’avaient pas fait jusqu’alors offensivement, cherchant plus d’appuis dans la zone de vérité. Mais là encore, par manque de justesse et face à une Juve ultra compacte et agressive, il se précipitent en n’inquiètent pas la Vieille Dame. Maicon ne passe jamais derrière Asamoah, et Dodo ne dépasse jamais Lichsteiner. Gervinho ne combine que trop peu avec son latéral et sa qualité de percussion est neutralisée par les prises à 2/3 qu’il subit face à Lichsteiner, Vidal et Barzagli. Les triangles Maicon – Pjanic – Ljajic à droite et surtout Gervinho – Dodo – Strootman à gauche n’ont que trop peu combiné, et ce trop loin du but de Buffon. Jamais, ils n’ont véritablement créé de décalage. Bien neutralisé par le dense cœur du jeu de la Juve, et pas assez aidé par un bloc trop bas et pas assez conquérant, Totti n’a jamais pu transformer ces triangles (et celui du cœur du jeu De Rossi – Pjanic – Strootman) en losanges.

dodogervais

Pirlo > De Rossi

En fin de première mi-temps, la Roma a tenté de faire monter son bloc d’un cran. On a vu Totti venir presser sur Bonucci, Gervinho sur Barzagli et Ljajic sur Chiellini. Le problème, c’est que le reste du bloc (milieu et défense) a continué à stationner toujours aussi bas. L’équipe s’est retrouvée coupée en deux, en 4-3-0-3, ce qui a laissé à Pirlo, libéré du marquage de Totti – mais pas pour autant ennuyé par De Rossi – une grande liberté dans la distribution. La comparaison de leurs matchs illustre bien ce Juve – Roma. 56 passes réussies dont 21 vers le dernier tiers du terrain pour Pirlo, 72 passes dont 9 vers le dernier tiers pour De Rossi.

Logiquement, De Rossi a réussi plus de passes que Pirlo, mais sa distribution est essentiellement latérale.

Logiquement, De Rossi a réussi plus de passes que Pirlo, mais sa distribution est essentiellement latérale.

Bien plus que son homologue Romain, le 6 Turinois est capable d’aller chercher ses avants dans les 30 derniers mètres.

Bien plus que son homologue Romain, le 6 Turinois est capable d’aller chercher ses avants dans les 30 derniers mètres.

Le 4231 Romain / désastreuse fin de match

Après le 2e but Turinois, marqué sur un coup de pied arrêté obtenu dans des circonstances conformes à la première mi-temps : avec une Roma brouillonne dans l’utilisation et inefficace dans son repli défensif, Garcia tente un coup. Il sort Dodo pour Torozidis (poste pour poste) et Pjanic pour Destro, Basculant du 433 au 4231, avec une ligne Totti – Ljajic – Gervinho derrière le nouvel entrant. Si les Romains sont maintenant 4 là ou ils étaient trois, ce remaniement n’aura pas l’effet escompté pour une Louve toujours trop peu conquérante dans le pressing et qui va continuer à s’empaler sur une Juve compacte. En face, la Vieille Dame reste dangereuse offensivement et parvient toujours à sortir le ballon aussi facilement. Comme un aveu de faiblesse tactique, c’est Totti qui sort pour Florenzi à la 72e.

Incapables d’utiliser la largeur et de jouer entre les lignes serrées de la Juve, les Romains perdent de plus en plus vite le ballon. De Rossi assassine Chiellini à la 75e, ouvrant la porte à une fin de match catastrophique pour la Louve. Sur le coup franc qui suit, Castan met la main sur la ligne et quitte à son tour le terrain. Vidal laisse le penalty à Vucinic qui achève son ancienne équipe.

La Roma touche ses limites

On l’avait bien vu face au Napoli, le 433 de Garcia est joueur offensivement, mais défensivement, la méthode est plus le repli que le pressing tout-terrain. Dimanche soir, cette méthode a montré ses limites face au 5311 compact de Conte. Sans oser attaquer en nombre, la Roma n’est pas allé au bout de ses idées sur le plan offensif. A l’image de ses attaquants, trop peu actifs au pressing. Pire : même lorsqu’ils l’ont été, la défense n’a pas embrayé le pas. Offensivement, les Romains n’ont jamais trouvé la largeur nécessaire pour déséquilibrer une Juve qui n’en manquait pas, avec cette solide ligne de 5. Pogba a été chirurgical et Vidal tranchant. Les deux milieux n’ont pas manqué de se projeter vers l’avant, alors que devant eux, Tevez et Llorente ont terriblement pesé sur le duo Benatia – Castan. Entre cette ligne de 5 et ce quatuor, Pirlo a joui d’une grande liberté pour diriger le chantier

En ne régnant que sur son dernier tiers et en laissant globalement l’initiative du jeu à son adversaire, la Juve a totalement maitrisé son sujet grâce à une grande versatilité et un excellent dépassement de fonction, bien illustré par la verticalité de Pogba et Vidal, ainsi que l’apport offensif de ses latéraux. En lui laissant délibérément le ballon, la Juve a été bien plus dangereuse offensivement et efficace défensivement que la Roma. Totti symbolise la faillite Romaine sur ce match. Le capitano a été complètement nullifié. A aucun moment il n’a été un point d’appui efficace pour les attaques placées de la Roma.

Après 17 matchs sans défaite, même s’il faut bien préciser que son équipe était en perte de vitesse avant la trêve (2 victoires et 5 nuls), Rudi Garcia consomme sa première gifle tactique en tant que coach de la Roma. Evidemment, ce premier revers ne doit pas remettre en question son bilan, mais plutôt la véritable aptitude de sa Roma à jouer le titre. Nul doute son équipe – jeune et peu fournie en quantité – va jouer une partie importante de sa saison dans les prochaines semaines. Avec maintenant 8 points d’avance sur son dauphin, la Juve fonce logiquement vers son troisième Scudetto.

Victor

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Une réponse à “Juve 3-0 Roma : Possession stérile et manque d’audace offensive : la Roma touche ses limites à Turin

  1. Merci Victor pour ces analyses précises et pertinentes.

    En résumé, la Juve a dominé la Roma dans les 3 secteurs, Finition, Animation et Défense. En montrant, beaucoup d’assurance et de sérénité.
    Deux réflexions complémentaires …

    1/ La Juve joue dans un faux rythme. Jouant tantôt regroupé, plus bas, en laissant la possession. Devenant plus agressive dans une autre période, exploitant pleinement ses occasions offensives. En plus de sa cohésion et de la qualité de tout son effectif, elle fait preuve d’un sens tactique remarquable.

    2/ La Roma a craqué sous la pression. Sa longue période d’invincibilité, fruit à la fois d’une vraie qualité mais aussi d’une certaine réussite, est usant pour le mental. Il est donc assez logique qu’elle cède mentalement, contre la maitrise, le brio et la force tranquille de la Juve. Les expulsions sont le signe du « craquage » de la Roma et dénotent une perte de contrôle.

    Ce match était décisif pour l’issue du titre. La messe est dite. Outre, l’écart de point entre les équipes, on a pu constater la différence de niveau entre les équipes, dans le jeu comme au plan mental.

    Le Challenge de la Juve est de gagner la Ligue Europa, comme Chelsea l’a fait l’an dernier.
    Celui de la Roma, est de remporter son mano a mano contre le Napoli, ce qui ne sera pas simple.

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