Face au 3-5-2 de Conte, la Juve a su contrôler le match pour ramener une victoire précieuse de Meazza face au leader de Serie A. L’organisation et les mouvements offensifs des Turinois ont empêché l’Inter d’asseoir sa maitrise défensive et territoriale.

Dybala profite de la course de Bernadeschi pour ouvre le score
La Juve empêche le 5-3-2 de créer des surnombres
Le pressing haut de l’Inter :
Comme c’était le cas à Barcelone, l’Inter entamait ses séquences de pressing en 3412. Cette organisation leur permettait de mettre sous pression (3v3) le trident de relance adverse grâce au trio Sensi – Lukaku – Lautaro.
Derrière, Brozovic et Barrella se voulaient très agressifs sur Matuidi et Khedira, quasiment en marquage individuel.
La défense à 3 se trouvaient alors en théorie sans couverture face à Bernardeschi, CR7 et Dybala, mais Conte comptait sur le coulissement de sa défense pour que le latéral opposé (Asamoah si le ballon est chez Alex Sandro) vienne resserrer, et apporter un surnombre, alors que D’Ambrosio sort sur le porteur.

Sensi très proche de Pjanic / Lukaku – Lautaro au contact de Bonucci et De Ligt. Quand le ballon arrive chez Alex Sandro, D’Ambrosio sort. Hors-champ, les 4 autres défenseurs intéristes coulissent.
Impossible pour la Juve de sortir court face au 5-3-2 coulissant de Conte. L’Inter marque individuellement chaque turinois au cœur du jeu, alors que le latéral opposé vient resserrer pour garantir la supériorité numérique derrière.
C’est ce schéma de pressing – cette fois-ci côté gauche (droit de la Juve) – qui permet la récupération haute antérieure au centre amenant le penalty de l’égalisation.
Sarri adapte son animation offensive :
Dès ses premiers temps de jeu offensifs, la Juve possédait des réponses adéquates à ce pressing.
On le voit dans la vidéo et les schémas ci-dessus avec Dybala, traqué par Skriniar : En décrochant jusqu’à leur propre camp, Dybala et Ronaldo ont éloigné Skriniar et surtout Godin loin de leurs zones de confort.
Capables de les éliminer sur leur première touche dos au but, l’Argentin et le Portugais ont privé l’Inter de son assise défensive habituelle sur les phases de pressing haut.
Les servir dans les pieds n’était pas la seule option pour les relanceurs, qui pouvaient également choisir la profondeur.

Godin à la faute dans le camp adverse face au décrochage de CR7
Forcés à évoluer dans un registre où le centre de gravité (bas) et la motricité sont plus importants que la puissance et le duel (à l’épaule ou aérien), Skriniar et Godin ont été emmenés en eaux profondes par Dybala et CR7. Et privés de couverture mutuelle par l’organisation offensive de la Juve.
Le contenu du match questionne peut-être la durée de vie du 3-5-2, compte tenu des caractéristiques individuelles des centraux nerazzurri.

Les fautes commises par Godin et Skriniar, emmenés loin du half-space, et de leur propre camp par les décrochages de Dybala et CR7
Pour Pjanic, Bonucci, De Ligt et les latéraux, le timing était important dans les transmissions verticales : empêcher l’Inter de créer le surnombre grâce au latéral opposé, en jouant relativement vite de l’axe vers l’axe. Sans laisser le temps à Asamoah ou D’Ambrosio de resserrer.
Marqué par Sensi puis par Brozovic, le Bosnien a su jouer en une touche lorsque la pression le dictait, alors que le Hollandais a également fait parler sa vitesse d’exécution pour jouer long, nottament sur la barre de CR (8′).

Décrochage et contre-appel brutal de CR7, vite servi par De Ligt. Pris en vivacité et en vitesse, Godin ne peut pas suivre. S’en suivra une terrible frappe sur la barre du Portugais (8′)
Une fois servis, les attaquants pouvaient profiter des courses croisées de leurs partenaires devant, pour mobiliser le défenseur intériste qui aurait dû (pouvoir) couvrir.
Sur l’ouverture du score, le 1 contre 1 créé permet à Dybala de fixer Skriniar. Situation rendue possible par Bernardeschi, qui mobilise Godin par son appel. De Vrij était lui trop haut, sorti – sans succès – pour pallier au décrochage de Ronaldo quelques secondes plus tôt. Sur la barre de Cristiano, c’est Dybala qui produit la course qui mobiliser De Vrij.
Les marquages serrés de Barrella et Brozovic sur Matuidi et Khedira ont également ouvert certaines lignes de passes – directes – vers les attaquants, comme celle de Pjanic pour CR7, sur la construction du 0-1.
Même si l’équilibre était précaire, l’Inter a parfois bien répondu à ces situations d’égalité numérique par son alignement défensif. Un piège du hors-jeu qui permet d’éviter – de justesse – le but de CR7 sur une énième attaque passant par l’axe, à la 40e minute.
La Juve en maitrise de sa transition défensive
Les projections de Matuidi et Khedira :
Sur les séquences face au bloc bas de l’Inter, les courses verticales de Matuidi et Khedira ont également mis à mal la logique défensive du 5-3-2 de Conte. En se projetant constamment, le Français et l’Allemand ont mobilisé l’attention du central face à eux, l’empêchant de couvrir efficacement son latéral, et empêchant les centraux de se couvrir entre eux.
Leurs projections étaient complémentaires des décrochages de Dybala, l’Argentin étant plus à même de décrocher pour venir au ballon alors que la Juve construisait face à une Inter en place. Leur courses étaient diagonales, vers l’exterieur, et ont eu le mérite d’éloigner le central qui les marquait de l’axe, pour mieux l’empêcher d’empêcher la future combinaison entre les attaquants juventini.

Khedira se projette et éloigne Skriniar de l’axe. Quelques secondes plus tard, survient le but (hors-jeu, sur un fil) de CR7.
En plus des différences créées, ces projections ont fait reculer le bloc intériste, permettant à la Juve de poser de longs temps de jeu dans le camp de l’Inter. Une domination territoriale qui se traduit en chiffres : 59% de possession dans le camp adverse pour la Juve.

Nette domination territoriale de la Juve sur l’ensemble de la rencontre, grâce à sa mise en place offensive et (donc) à sa transition défensive efficace
Après les changements, la même organisation offensive va mener au but vainqueur :
Emre Can (alors relayeur) se projette, et prend soin de promener Bastoni, empêchant ainsi l’Inter de bénéficier d’une couverture dans l’axe, malgré son système à 3 axiaux.

Dans la même logique : le déplacement de Can embarque Bastoni et va permettre aux Turinois de combiner dans l’axe, sans que l’Inter ne bénéficie d’une couverture.
C’est Bentancur (alors 10 du 4312), qui offre le but de la victoire à Higuaín. Au moment où il se projette après un appui sur CR7, Skriniar doit sortir sur lui. De Vrij est déjà éliminé (par la passe à retardement de Ronaldo) : Bastoni est aspiré vers l’axe, orienté pour couvrir Skriniar : Higuain est servi dans son dos par Bentencur, hors de son champ de vision.
Pas de surnombre = pas de couverture, ou alors un joueur abandonné s’il y en a une.
- La discipline tactique des latéraux (et de Pjanic) :
L’autre aspect permettant cette domination territoriale était la discipline des latéraux (pourtant offensifs par nature) Alex Sandro et Cuadrado.
Au moment de développer ses attaques, la Juve s’adapte au 5-3-2 intériste : Le latéral opposé gardait une position relativement axiale (pendant la phase offensive), prêt à aider Bonucci et De Ligt face à Lukaku et Lautaro, cibles prévisibles des contres de l’Inter dans ce système.
Comme c’était le cas face au jeu placé, le latéral côté ballon pouvait jaillir sur D’Ambrosio / Asamoah dès la perte du ballon, alors que son partenaire à l’opposé resserrait axe.
Sarri reproduisant – en 4312 – le mouvement défensif caractéristique de Conte, que les Allemands appellent « Joker Pressing ».
On a pu le voir face au jeu placé de l’Inter, mais également sur l’ouverture du score turinoise (une phase de transition défensive) : Lorsque la Juve développe son attaque côté gauche, Cuadrado se tient déjà prêt à resserrer axe.
Alors que l’Inter récupère et que d’Ambrosio est servi, Alex Sandro jaillit sur son homologue, comme l’aurait fait Marcos Alonso dans le Chelsea de Conte, ou Darmian dans son Italie.
Sur ces phases de transition défensive bien gérées, Pjanic était également primordial : Compensant son manque d’impact par un placement impeccable, toujours sur les lignes de passes, pour couper le contre intériste.
Sur les moments où de Ligt et Bonucci ont dû gérer des situations de 2v2, les centraux turinois ont fait parler leur recul frein, même si l’Italien s’est montré plus à l’aise que son jeune partenaire dans ce domaine, coupable notamment d’une main sur l’égalisation, et proche de marquer contre son camp sur la frappe de Vecino (68e), pendant un temps faible de l’Inter auquel il n’est pas étranger.
Lukaku, quant à lui, s’est montré incapable de bonifier ces situations, trop lourd pour déséquilibrer les centraux juventini par le dribble.
Une fois le ballon récupéré, la Juve conservait la même logique sur sa transition offensive : aller rapidement chercher ses attaquants face au back3 de l’Inter, et empêcher l’adversaire de créer les conditions d’une bonne couverture. Témoin la vitesse d’execution de Pjanic au moment de verticalier – sur un appui – sur l’ouverture du score.
Sarri stratège
Comme ce fut le cas face au 352 d’Emery en finale d’Europa League, Sarri a su s’adapter au 352 de Conte pour maitriser la rencontre. A quelques centimètres/secondes près, l’Inter aurait pu rentrer au vestiaire avec 3 buts encaissés.
Même si son équipe a connu un temps faible en seconde mi-temps, et possède une marge de progression en phase défensive (Cuadrado / De Ligt), son plan a fonctionné.
Souvent critiqué pour sa rigidité et la prévisibilité de ses équipes – notamment son Napoli – le Mister a su se montrer pragmatique et efficace. C’est lui qui a lu son adversaire, et réalisé les ajustements adéquats, dans ce derby d’Italie.
Victor Lefaucheux