Juve – Bayern (1MT) : La guerre des half-spaces

Le 1/8e de finale le plus attendu a tenu toutes ses promesses, tant au niveau du spectacle que du combat tactique. Auteur d’une grosse performance en première période, le Bayern a récité son plan de jeu. D’abord un pressing efficace bien adapté au plan de jeu offensif de la la Juve. En suite par un jeu de position étouffant, logiquement récompensé par le but de Müller.

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La joie des Bavarois après l’ouverture du score du Müller

Le pressing du Bayern face au jeu de position de la Juve

Le Bayern s’est présenté à Turin avec un schéma de pressing adapté à l’animation offensive de la Juve = Un 4-1-4-1, calqué sur le 4-2-3-1/4-2-2-2 de la Juve, avec :

  • Müller sur Marchisio
  • Thiago sur Khedira
  • Lewandowski face aux 2 centraux

Sur les côtés, Robben et Douglas Costa s’occupaient de presser sur les latéraux de la Juve. A l’autre bout du (demi)terrain ; Vidal, Kimmich et Alaba étaient eux à 3 contre 2 face à Dybala et Mandzukic pour contrôler la profondeur face aux attaques rapides / contres de la Juve.

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Le schéma de pressing de du Bayern face à la Juve : Les centraux à 2 contre 1 face à Mandzukic, Lewy à 1 v 2 face aux centraux de la Juve

Si le Bayern avait conservé ce schéma de pressing quelque soit l’attitude de la Juve, sortir court eut été assez aisé pour Bonucci, Barzagli et Marchisio, qui auraient pu profiter de leur supériorité numérique (3v2 – 4v2 en comptant Buffon – face à Muller et Lewandowski).

Les Bavarois avaient donc un plan spécial pour bloquer la sortie courte de la Juve, et empêcher les Italiens de développer un jeu de position propre pour entrer dans le camp adverse.

Quand la Juve se mettait en place pour sortir court (occupation de la largeur et décrochage de Marchisio entre les centraux), Muller chargeait Barzagli, Lewandowski sortait sur Bonucci et Thiago Alcantara récupérait Marchisio pour créer un 3 contre 3.

Derrière les Bavarois formaient alors une sorte de 4-1-3-2 avec :

  • Vidal prêt à suivre Dybala dans ses décrochages
  • Robben qui défendaient sur Evra par l’intérieur
  • Douglas Costa dans une position intermédiaire entre Khedira et Lichsteiner, prêt à jaillir sur le Suisse ou l’Allemand selon le déroulé de l’action :
  • si Buffon jouait sur Lichsteiner, Costa sortait sur lui
  • si le ballon allait vers le côté gauche chez Barzagli ou Evra et que Thiago sortait sur Marchisio, alors Douglas Costa allait récupérer Khedira, abandonnant ainsi Lichsteiner à l’opposé

Khedira était de fait le joueur laissé libre par cette adaptation, mais le pressing de Lewandowski sur Bonucci permettait également de boucher l’angle de passe pour joindre l’ancien Madrilène, en plus de la possibilité pour Douglas Costa de récupérer son marquage. Marquage qui était récupéré par Thiago si la Juve se sortait du pressing Bavarois (le Bayern ré-adoptait alors son pressing en 4-1-4-1, puisque la Juve avait réussi sa sortie de balle courte).

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Le 4-1-3-2 du Bayern face aux sorties courtes de la Juve : Thiago récupère Marchisio quand Muller charge Barzagli, alors que Lewandowski peut concentrer son pressing sur Bonucci.

…Pogba et Cuadrado oxygènent la Juve

Rapidement, l’option privilégiée sous pression par le trio Bonucci – Marchisio – Barzagli a été de choisir Cuadrado ou Pogba dos au but. Le Colombien et le Français ont fait parler la solidité de leurs appuis et leur technique exceptionnelle pour résister aux pressings de Lahm et Bernat, se retourner, et ainsi casser le pressing du Bayern, forcé à se replier dans son camp face au jeu de position de la Juve qui pouvait finalement se mettre en place.

Grâce à ce plan de jeu, les Bavarois vont jouir d’un contrôle quasi-total de la profondeur et d’une excellente transition défensive dans le camp adverse (ce qui aura son importance sur le premier but).

Un contrôle aussi dû à leur maitrise territoriale, conséquence de leur jeu de position dans le camp adverse.

La sortie de balle du Bayern en 4-3-3 

Première étape du jeu de position bavarois, la sortie de balle : Quand le ballon est chez Neuer : La défense à 4 [Lahm – Kimmich – Alaba – Bernat] occupe toute la largeur du terrain, et Vidal vient décrocher entre ses centraux comme un 6. Le duo de relayeur Thiago – Müller fait la même chose pour former un 4-3-3 destiné à offrir au Bayern les moyens de sortir proprement, par le jeu court et les triangulations, avant de s’installer dans le camp adverse.

Etape vite expédiée par les Bavarois en début de match, avant de s’installer pour quasiment une heure dans le camp de la Juve, notamment grâce à la qualité du travail à la perte, décrit plus haut.

Cela dit, le dernier tiers du match va démontrer toute l’importance de cette première phase de jeu offensive, on y reviendra dans l’analyse de la seconde mi-temps.

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La sortie de balle courte en 4-3-3 du Bayern

Le jeu de position du Bayern face au repli de la Juve : bataille pour les half-spaces

Une fois installé dans le camp de la Juve, le Bayern a mis en place le système qui le caractérise sous Guardiola : le 2-3-5 :

  • Alaba et Kimmich ont pris place autour du rond central avec une grande responsabilité dans la construction du jeu et la recherche de partenaires dans les intervalles, par de longues passes au sol.
  • Vidal se plaçait entre les 2, prêt à se comporter à la fois comme un troisième central et comme un 3e milieu de terrain, selon l’attitude de Mandzukic et Dybala
  • Lahm venait à l’intérieur du jeu comme un relayeur droit
  • Thiago et Bernat se partageaient alternativement le poste de relayeur gauche et d’attaquant axial gauche
  • Robben et Douglas Costa ont occupé un maximum de largeur dans les couloirs pour étendre le bloc de la Juve et ouvrir les angles de Kimmich et Alaba
  • Bernat a parfois permuté avec Douglas Costa en prenant la largeur
  • Muller évoluait axe droit, alors que Lewandowski évoluait dans l’axe, tout en gardant une grande liberté de mouvement latérale (permutations) et verticale (décrochages)

L’objectif de Guardiola est clair avec cette mise en place : il veut positionner un joueur offensif dans chacun des 5 couloirs du terrain : Aile droite – half-space droit – Axe – half-space gauche – Aile gauche (de Robben à Costa ci-dessous). En comptant sur le fait que les défenseurs centraux et les relayeurs ne se mettent pas sur la même ligne verticale, Kimmich et Alaba pouvaient ainsi trouver des angles de passes variés pour éliminer le milieu de la Juve.

Avec autant d’attaquants, créer une supériorité numérique locale aux abords de la surface était possible pour le Bayern, ce qui a vite forcé la Juve à un repli massif, annulant toute possibilité de transition offensive, et scellant la maitrise territoriale du Bayern qui a multiplié les temps de jeu dans le camp turinois.

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Le jeu de position du Bayern dans le camp adverse, et les angles de passes ouverts par le 2-3-5. La Juve doit colmater les brèches en coulissant de gauche à droite, au risque de créer une désorganisation au moment de la finition (de l’intervention défensive finale pour la Juve).

Sur les côtés, Robben et Douglas Costa avaient un rôle déterminant à jouer en offrant une largeur maximale côté ballon. A l’image de ce qui se produit lorsqu’elle défend à 5, la Juve appliquait quasiment un marquage individuel de ses latéraux sur les ailiers adverses : Quand Costa ou Robben sont servis en diagonale par leurs centraux, Evra ou Lichsteiner sortent de leur bloc équipe pour venir leur faire face avec une distance d’intervention qui se veut la plus courte possible.

Quand le ballon est chez Alaba ou Kimmich face à une Juve repliée, l’objectif final du Bayern est de trouver Muller/Lahm ou Bernat/Thiago dans le half-space côté ballon par une passe verticale, pour pénétrer la surface et aller créer une situation de but (elle arrivera vite avec 3 attaquants axiaux). Tout cela grâce à la largeur créée par Robben et Costa (parfois Bernat) qui ont attiré un latéral loin de la surface.

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Un exemple de supériorité numérique locale créée par le Bayern grâce à une passe verticale de Kimmich (12’).

A ce moment là, le rôle de Pogba et Cuadrado est déterminant : c’est à eux de venir colmater cet espace intermédiaire entre le central et le latéral de la Juve qui est allé resserrer sur un ailier. Si ce n’est pas eux, ce sera Khedira ou Marchisio qui viendront compenser. Cette couverture est un enjeu capital : Si le half-space n’est pas fermé par un Turinois, le Bayern se retrouve avec une supériorité numérique locale dans la surface, autant dire un énorme danger.

C’est ce qui se produit dès la 12e minute, sur l’occasion (invraisemblablement) ratée par Muller et Lewandowski à 2 face au seul Buffon : Lahm s’engouffre dans l’espace crée (dans le half-space droit) entre Evra et Barzagli par la fixation au large de Robben qui avait embarqué Evra. Raison pour laquelle Kimmich a (intelligemment) joué vertical sur Lahm, plutôt que de retourner chercher Douglas Costa (via Alaba) de l’autre côté du terrain (voir vidéo ci-dessous).

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Evra est dragué loin de Barzagli par la présence au large de Robben. Kimmich n’est pas attaqué et personne ne récupère le marquage de Lahm dans le half-space droit : les Bavarois vont créer un 3 contre 2 dans la surface de la Juve sur leur 3e possession du match.

Sur les séquences de jeu placé qui précèdent celle-ci, on voit que Kimmich prend à chaque fois un maximum d’informations alors qu’il conduit le ballon :

  • Robben est-il seul dans le couloir ?
  • Müller est-il seul dans le half-space droit ?
  • Lahm est-il joignable dans le half-space droit ?

Si la réponse à toutes ces questions est négative, alors – seulement à cette condition – Kimmich ira jouer de l’autre côté chez Alaba, qui ira lui-même jouer chez Costa. Des possibilités vont s’ouvrir sur ce second temps de possession, étant donné que le bloc de la Juve a été déplacé massivement sur le côté de Robben.

Avec cette structure d’attaque, multiplier les renversement est une arme pour créer ce type de brèche : quand Kimmich sert Lahm (dans la capture ci-dessus) le ballon a déjà fait « droite-gauche-droite » avant de (ré)-arriver dans les pieds de Kimmich.

Au moment ou Lichsteiner sort sur Costa après le premier changement d’aile, le jeu de position du Bayern fait déjà du dégât : 15m sont crées entre Lichsteiner et Bonucci : à Cuadrado et/ou Khedira de venir colmater ce trou, faisant perdre en consistance au bloc Turinois.

La désorganisation qui s’opère en passant du repli à la défense ouvre des possibilités au Bayern pour finir :

  • En frappant de loin : le duo de récupérateur a du se muer en défenseurs centraux à cause d’une ligne défensive écartelée par les ailiers Bavarois
  • En centrant au second poteau : si la ligne défensive a été « décalée » par les renversement de jeu d’un ailier à l’autre, attirant le latéral opposé dans l’axe du terrain (alors, deuxième poteau = espace dans son dos)
  • En centrant fort au premier poteau : si l’ailier Bavarois arrive à faire parler sa percussion

Dans tous les cas, si le jeu placé est mis en échec, la Juve n’a aucune chance de contrer avec un bloc aussi bas et autant de joueur investi dans la défense de position.

Après un premier quart d’heure réunissant tous les éléments de ce cercle vicieux de la désorganisation, il aurait été logique que le Bayern ouvre le score par Müller à la 12e, sans une maladresse incroyable de l’Allemand et du Polonais.

Patient face à une Juve impeccable de discipline dans les compensations, le Bayern fera finalement mal à la vieille dame grâce à sa transition défensive dans le camp adverse, en profitant de la désorganisation Turinoise : Sur la seule séquence où les Turinois se projettent en nombre pour contrer le Bayern : ils sont punis de n’être plus assez nombreux pour assurer la défense de position, et la punition tombe juste avant la mi-temps par Müller.

« En fait, je veux beaucoup de joueurs dans l’axe »

Un première mi-temps colossale qui met en lumière la qualité de jeu de position Bavarois : un adversaire privé de transition offensive, mais aussi et surtout : des occasions de but. En plus de la largeur offerte par Costa et Robben, le fait tactique déterminant du 2-3-5 Bavarois est la présence massive des Bavarois dans le camp adverse.

Avec 3 attaquants, 2 relayeur, un 6 et 2 centraux, Guardiola positionne 8 joueurs dans l’axe (voir la conclusion de la déclaration de Guardiola dans le tweet ci-dessous), et 3 dans chaque half-space. Le véritable enjeu d’un possession dangereuse, qui emmène vers une véritable maitrise, même face à une défense de position efficace.

Victor

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Une réponse à “Juve – Bayern (1MT) : La guerre des half-spaces

  1. Très belle analyse, vivement la deuxième mi-temps pour (mieux) comprendre la réaction d’Allegri…

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