D’aucuns doutaient de ce que Pep Guardiola pouvait apporter au Bayern Munich… La démonstration de football total offerte hier sur la pelouse du Manchester City de Manuel Pellegrini leur a donné plusieurs éléments de réponse. Totalement supérieur collectivement, le Bayern a marché pendant 80 minutes sur une équipe qui semblait pourtant avoir les arguments collectifs et individuels pour le contrarier, mais qui l’a prouvé bien trop tard.
Pour le commun des mortels, jouer à l’extérieur constitue un désavantage, menant parfois à une certaine inhibition. Le premier quart d’heure permet au Bayern de déclarer à l’Europe qu’il ne connaît pas ce sentiment. Il ne connaît que la confiance. Hier, les Bavarois ont surclassé l’équipe de Manuel Pellegrini en appliquant nombre des ingrédients du succès de Guardiola à Barcelone : pressing tout terrain, qualité de passe, mouvement perpétuel, permutations et qualité défensive. Dans son animation, ce Bayern ressemble évidemment au Barca et à l’Espagne : maître du milieu et compact au moment de presser, avant d’exploser pour poser de longues séquences collectives en utilisant toute la largeur du terrain.
Pressing tout terrain intense
Dès le coup d’envoi donné par City, les Bavarois annoncent la couleur. Ils impriment un énorme pressing : Des prises à 7 de morts de faim se referment sur le porteur du ballon. Au moment le plus intense de cette pression collective, le bloc équipe du Bayern tient sur 15 mètres. Grâce à ces lignes incroyablement serrées, le ballon est gagné très haut. L’oxygène est déjà trop rare pour les Citizens. Enchaîner plus de trois passes relève de l’impossible dans ces conditions. Ribery valide logiquement cette supériorité à la 7e, après un renversement de Rafinha, définitivement installé au poste de latéral droit par Guardiola.
Le Bayern défend en avançant avec une grande efficacité et gagne tous les duels. Pour City, le jeu direct est alors la seule option envisageable. Mais même dans ce cas-là, la ligne défensive du Bayern remonte militairement et élimine Aguero et/ou Dzeko. Là aussi, la compacité et la hauteur du bloc Bavarois condamnent les espoirs des hommes de Pellegrini.

Enfermé, Navas cherche ses attaquants rapidement. La ligne haute du Bayern les met hors-jeu, comme souvent dans le match.
La première mi-temps est un supplice pour City. Les signes d’une frustration énorme apparaissent. Fernandinho laisse exploser toute sa rage après une faute commise à la 45e. Le Brésilien perd tout contrôle et hurle dans le vide. L’image est saisissante. Harcelés par le pressing et épuisés par la circulation du ballon, les joueurs de Pellegrini sont incapables d’utiliser les miettes qui leur sont laissées. Même Jesus Navas, un des meilleurs centreurs au monde, envoie d’improbables parpaings dans le ciel anglais. Un but d’avance et une bataille du milieu écrasée : à la pause, le drapeau du Bayern est déjà planté sur le rond central.
City se rebiffe. Et va au tapis
L’entame de deuxième période est meilleure pour un City rechargé physiquement et psychologiquement par la mi-temps. Grâce à un jeu direct de meilleure qualité et un état d’esprit plus volontaire, les Citizens gagnent du terrain, se créent plusieurs situations et obtiennent plusieurs corners. L’intention est louable et la combativité est à saluer, mais il en faudra beaucoup plus pour déstabiliser ce Bayern-là. Pour reprendre la main, sa recette est toujours la même : presser toujours plus haut et toujours plus dur, pousser City à reculer, puis à balancer, avant de cueillir les longs ballons de Joe Hart.
Ce relatif temps faible avalé comme du petit lait, le Bayern repart de plus belle. Installés dans le camp anglais, les Bavarois avertissent les Mancuniens une première fois par Robben après un bel une-deux avec Kroos (53e). Deux minutes plus tard, Après avoir ramassé un de leurs innombrables seconds ballons face à une paire Yaya – Fernandinho bien esseulée, les rouges mettent le pied sur le cuir. Ils posent une séquence de 15 passes, conclue par un appel oblique tranchant de Muller servi par une longue diagonale de Dante. 2-0 (55e).
La possession au service des créatifs
Sur la pelouse de l’Etihad stadium, les Bavarois ont échangé 613 passes. 600 passes, ce n’est pas 800 passes. Ce chiffre – à la fois énorme (à l’extérieur contre un top team), sans être démesuré – indique que le Bayern varie parfaitement jeu court et jeu long. Les deux premiers buts résultent de passes longues. Il démontre également qu’aucune transmission n’est superflue. Chaque passe est nécessaire, aucune n’est inutile. On avait déjà eu cette impression contre le CSKA . Quand les passes sont redoublées, c’est pour mieux préparer la création prochaine du décalage.
Cet enchainement, cette variation et ce mouvement perpétuel permettent aux Bavarois de jouir d’une grande supériorité athlétique sur leurs adversaires au moment de percuter en 1 contre 1. Le but de Robben (60e) en est la parfaite illustration. Au duel, le Hollandais s’est régalé tout au long du match. Après un nouveau ballon gagné très haut par Kroos face à Fernandinho, il profite de cette « avance » sur le plan physique pour torturer Nastasic, avant de fusiller Hart. 3-0. Ce temps fort est conclu à la 68e par une séquence terrible de 40 passes consécutives, toutes effectuées dans le camp de City. La démonstration se transforme en humiliation. Dur à vivre pour une équipe qui en a passé 4 à United sur la même pelouse 10 jours plus tôt.
L’orgueil de City / Yaya Touré comme un symbole
A mettre au crédit des Citizens, leur belle réaction de fin de match, logiquement récompensée par le superbe but de Negredo. Les entrées combinées de Milner et Silva leur ont permis d’être plus tranchants dans le dernier quart d’heure. D’ailleurs, si le coup franc de l’Espagnol n’avait pas touché la barre, la fin de match aurait même pu être folle après le rouge logique de Boateng provoqué par Touré. Peu d’équipes seraient sorties la tête haute d’un tel calvaire.
Hier, l’option du jeu direct fut la seule laissée aux vice-champions d’Angleterre. Un style qu’ils sont pourtant loin d’être incapables de pratiquer habituellement. Avec une colonne vertébrale world class Kompany – Yaya Touré – Aguero et un excellent coach aux manettes, tous les ingrédients étaient présents pour empêcher ce Bayern-là d’offrir la démonstration qu’il a proposée. Mais rien n’a fonctionné pour City. Ou plutôt tout a fonctionné pour le Bayern. La paire Yaya – Fernandinho, extrêmement complète et si brillante lors du derby de Manchester, n’a pas existé et s’est constamment trouvée en sous-nombre. Elle a été dévorée par le cœur du jeu fourni du Bayern. Comme toutes les autres lignes de son équipe.
Victor