Après trois premiers mois compliqués, l’ASM vient d’enchainer 5 succès consécutifs, en n’encaissant qu’un seul but. En championnat comme en Coupe d’Europe, c’est avant tout à l’efficacité de leur organisation défensive que les Monégasques doivent leur redressement.
Si l’ASM souffre malheureusement d’un relatif anonymat médiatique, cette saison doit également nous permettre de faire connaissance avec Jardim. Dans la lignée des dernières performances européennes de Monaco, le Portugais nous a montré face à l’OM et au Zenit une facette – inattendue ? – de sa personnalité : une organisation défensive rigoureuse, qui répondait parfaitement aux qualités offensives de l’adversaire.
Du marquage sur les flancs, de la zone dans l’axe
Face à Marseille dimanche dernier, Leonardo Jardim a mis en place une animation défensive mixte : de l’individuelle sur les côtés et de la zone dans l’axe. Quand l’OM relance, Silva et Martial viennent bloquer la passe vers Imbula. Sur les côtés, Carrasco va chercher Dje Dje très haut, alors que Dirar fait la même chose à droite avec Mendy. Un pressing plus dissuasif qu’agressif, qui a tout de même eu le mérite de gêner la construction adverse. Comme ce fut le cas 5 jours plus tôt face au Zenit, l’ASM n’a pas gagné le match dans le camp adverse, mais plutôt dans le sien, grâce à un repli bien élaboré.
La réponse de Jardim face aux centres de l’OM
Marque de fabrique de l’animation offensive de Bielsa, les centres sont le gros point fort de l’Olympique de Marseille cette année. Jardim a affirmé après le succès des siens avoir bien étudié son adversaire. On peut le croire : l’OM, qui centre en moyenne 27 fois par match cette année, a envoyé 42 ballons dans la surface à Louis II. L’ASM y a résisté grâce à un plan bien précis.
Sur les côtés du 442, un double marquage individuel a été mis en place. Quand l’OM attaquait à droite, Carrasco (milieu gauche) marquait le latéral adverse (Dje Dje), alors que Raggi (arrière gauche) devait suivre Thauvin (milieu droit). Cette année, les hommes de Bielsa aiment combiner sur les côtés avant de centrer. Payet est souvent celui qui, par son déplacement latéral, permet le jeu en triangle qui décale le centreur. Quand il a opéré ce déplacement pour aider ce décalage, Moutinho le suivait à la trace pour éviter le 3 contre 2. Si deux Marseillais se déplaçaient latéralement, comme Ayew et Payet l’ont parfois fait à droite, alors Bakayoko et Moutinho allaient créer un 4 contre 4, et trois hommes suffisaient dans la surface.
Car de l’autre côté du terrain, Jardim a également bien répondu à la projection de l’OM, habitué à garnir massivement la surface au moment du centre. Toulalan et Abdenour était rejoints dans la boite par le latéral opposé (Fabinho ou Raggi selon le côté), alors que Bakayoko se rapprochait de sa charnière centrale. Il était éventuellement suivi par le milieu opposé ou par Moutinho selon le nombre de Marseillais prêts à plonger pour reprendre le centre.
Avec un 2 contre 2 (prêt à se transformer en 3 contre 3) côté ballon, et un 6 contre 5 (ou 5 contre 4) dans la surface, Jardim a parfaitement lu l’organisation offensive de l’OM, et a empêché les phocéens de créer ce surnombre dans la surface qui a déjà fait mal à beaucoup d’équipes.
Sur les meilleures occasions marseillaises, c’est du second poteau que le danger est venu. Sur la tête de Lemina, pourtant, les Monégasques font le nombre. Mais ni Dirar ni Fabinho n’arrivent à empêcher l’ancien Lorientais d’intervenir. Ils peuvent tous les deux faire mieux, mais il faut signaler la qualité exceptionnelle du centre pied droit de Thauvin, comme l’impressionnante détente sèche de Lemina. Pour créer le danger, les Marseillais ont du dépasser leur fonction de façon significative, preuve que le match était nivelé par le haut, techniquement et tactiquement.
Le bus magique
Face aux Zenit de Vilas – Boas, 8e au classement de la possession moyenne en Champions’ League, Monaco a également très bien défendu. Le XI était légèrement différent : Wallace jouait en défense centrale, alors que Toulalan jouait 6, dans un rôle proche de celui de Bakayoko, 5 jours plus tard. Le jeune Français jouait donc plus haut, alors que Moutinho accompagnait Berbatov devant.
L’ASM avait gêné la relance du Zenit de la même façon, avant de compter sur un repli ultra solidaire pour tenir ensuite face à la construction russe. D’une façon plus « zonale », les hommes de Jardim ont tout simplement quadrillé le dernier tiers avec deux lignes de 4 très proches, et en comptant sur un Toulalan stratosphérique.
Avec si peu de vitesse dans l’axe (Berbatov – Moutinho), l’ASM n’avait tout simplement pas de transition offensive dans une première mi-temps qu’elle conclut à 33% de possession et 1 tir. Sur un rush en solitaire de… Toulalan. Les débats se sont rééquilibrés en deuxième mi-temps à l’initiative d’un pressing russe baissant sensiblement en intensité. Mieux dans le jeu après l’entrée de Martial pour Berbatov, les Monégasques vont percuter, et profiter d’un coup de pied arrêté pour faire fructifier leur solidarité défensive. Empochant ainsi la première place du groupe.
Des perspectives intéressantes
En laissant l’initiative du jeu à ses adversaires (avec une possession autour de 40%), l’ASM a – à chaque fois – plus tiré qu’eux. 12 tirs à 10 (dont 4 têtes) contre l’OM, et 10 tirs à 4 contre le Zenit, dans un match ou elle a pourtant énormément souffert. Sans Kondogbia ni Kurzawa et après un changement radical de politique sportive l’été dernier, Jardim a su s’adapter. Grâce à cette approche pragmatique, il a su créer une dynamique positive en terme de résultats.
Et pourquoi pas en terme de jeu ? En faisant jouer Toulalan défenseur central face à l’OM, Jardim s’est donné le droit d’associer Moutinho à Bakayoko au milieu, obtenant ainsi plus de contrôle au cœur du jeu et plus de percussion devant.
Car si Berbatov et Moutinho ont su se « sacrifier » face au Zenit ; Martial et Silva se sont régalés en attaque rapide face à l’OM. L’ancien Lyonnais a excellé dos au but face à Fanni et le Portugais a joui d’une grande liberté, qui lui a permis d’inscrire le but décisif. Sur les côtés, Dirar et Carrasco s’épanouissent dans les phases de transition, même s’ils doivent beaucoup donner pour suivre les latéraux adverses.
Le projet de Jardim est cohérent : le bloc est solide et les joueurs offensifs prennent du plaisir à dépasser leur fonction avec le ballon. Sur l’action qui précède l’obtention du coup-franc décisif face au Zenit, toute la capacité de percussion de l’ASM s’exprime. Martial fait parler sa vitesse pour gagner le ballon, Bakayoko résiste au pressing et élimine 3 joueurs avant de servir Dirar qui fait également la différence en 1 contre 1. Après une triangulation rapide Carrasco – Bakayoko – Moutinho, le Portugais taquine et fait craquer Faizulin. Avec la même rage qu’ils mettent pour défendre, les Monégasques punissent la création trop pauvre et le pressing trop faible du Zenit.
L’ASM pointe aujourd’hui à la sixième place de Ligue 1, à 7 points du troisième, et à 9 du leader Marseillais. En continuant sur cette lancée et en gardant cette rigueur, les Rouge et Blanc ont largement les moyens de recoller. Ils ont deux mois pour valider leurs progrès, et consolider leurs certitudes défensives, avant d’aller à Londres pour défier Arsenal.
Avec le droit de rêver ?
Victor
Un entraîneur qui cite comme référence Edgar Morin ne peut être foncièrement mauvais^^
Je reste réservé toutefois sur la possibilité de caser Berbatov en 10 dans le système monégasque qui me semble reposer sur le travail des joueurs de couloir en individuelle, non?
C’est vrai qu’il manque de mobilité et de vivacité pour une animation aussi verticale. Mais je crois que contre le Zenit, cette impression a été renforcée par la présence de Moutinho à côté de lui. Il n’y avait aucune vitesse dans l’axe. Pourquoi pas Berba 10 derrière Martial ?
Peut-être… je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression qu’il y a un peu de « Simeone style » dans ce Monaco 2014-2015 avec du pressing par intermittence, un bloc équipe qui se déplace comme un seul homme, des contres-attaques rapides comme l’éclair par les côtés donc je ne sais pas trop à quoi servirait un Bertatov en 10 dans cette équipe-là.
Cela dit, Berbatov en 10… un poste qui lui irait comme un gant oui
Pingback: L’Excès d’adaptation, côté sombre de Bielsa ? | premièretouche
Pingback: Toute l'actualité du foot | L’excès d’adaptation, côté sombre de Bielsa ?