Un coup de gueule de Sammer, un contre coup de gueule de Hoeness, une deuxième place de Bundesliga et des choix tactiques discutés en mondovision, le FC Hollywood coaché par Guardiola, c’est Dallas. Et si son Bayern a encore une grande marge de progression, il n’a déjà plus beaucoup de marge d’erreur. Opposés hier au CSKA Moscou, les Bavarois ont proposé une prestation collective de haute tenue face aux champions de Russie.
Asphyxie façon Pep !
Les dix premières minutes du match sont une démonstration de Guardiolisme. Utilisation de la largeur, pressing, redoublement de passes, triangulations, appels obliques, variations… bref, un régal. Devant, ça permute dans tous les sens. Robben vient se promener à gauche, ou dans l’axe. Pendant ce temps, Muller devient ailier droit. Alaba et Rafinha montent d’un cran. Lahm dirige le chantier pendant que Kroos pilote la grue pour déposer de longues diagonales à chaque coin de terrain. Mandzukic et Ribery échangent aussi les positions, le ballon circule vite et bien. La possession est colossale, l’occupation du terrain est impériale, les occasions sont nombreuses et l’oxygène est rare pour des Moscovites pourtant bien organisés, disciplinés, athlétiques et courageux.
Ils réussissent la performance remarquable de ne prendre aucun but dans le jeu en première mi-temps. Cela dit, dans ce contexte, les buts qu’ils encaissent sur coups de pieds arrêtés tombent plus comme les marqueurs logiques d’une domination totale que comme des miracles résolvant un problème d’efficacité. 2-0 à la mi-temps, le score est logique.
![]() |
![]() |
Le pressing imprécis
Evidemment, Pep Guardiola n’a pas encore amené ce Bayern au niveau stellaire de son Barça. Un des points sur lequel son équipe est encore trop défaillante, c’est le pressing. Dans ce qu’on pourrait appeler « les phases de conquête », les Bavarois sont encore trop inefficaces. Si la défense Dante – Boateng n’a jamais vraiment été mise à mal, la récupération du ballon pourrait être plus haute et plus rapide. Les prises à deux se transforment trop vite en prise à trois, faute d’efficacité, et trop de fautes sont commises. Les ballons ne sont pas gagnés assez rapidement.
Cela perturbe l’attaque, car quand c’est Ribery ou Robben qui doivent venir prêter main forte à Kroos et Lahm pour récupérer le ballon dans les pieds d’un adversaire, le surnombre offensif devient impossible à créer. Les attaques sont alors précipitées au lieu d’être posées, car il faut rattraper le temps perdu à chasser le ballon au moment de l’utiliser. Le cercle vertueux du pressing « barcelonais » devient vicieux si le pressing échoue. Le retour de Javi Martinez, aussi bon à voler le ballon qu’à s’en servir, aidera sûrement le Bayern dans ce domaine.
![]() |
![]() |
L’épanouissement dans la disproportion
Malgré ses petites imperfections, voir jouer ce Bayern est jouissif. Chaque possession est déjà une attaque placée. Pas de pa-passe inutile vers l’axe ou le gardien, pas de défenseur qui se débarrasse du ballon, pas de passe en retrait ou de passe latérale dans le seul but de ne pas perdre le ballon. Un joueur qui se débarrasse du ballon n’a aucun avenir avec Guardiola. Dans ce Bayern-là, chaque passe doit aider à la création du décalage. On la redouble s’il le faut, puis on cherche la largeur, et on renverse à nouveau. On écartèle la défense pour mieux la suriner grâce à la verticalité des milieux et l’apport des latéraux.
En possession du ballon, en même temps que le bloc équipe s’étire sur toute la largeur du terrain, il se resserre verticalement. L’équipe adverse est à la fois écartelée et étouffée. Lorsque le Bayern attaque, il n’y a plus de 4141 ou de 433. Il y a un 244, un 334, un 235. Il y a un bloc haut et large. Quand Rafinha sollicite le une-deux avec Lahm sur la droite, Alaba ne redescend pas couvrir à gauche, il réclame le ballon à grands gestes. Ainsi, il contribue à déséquilibrer le bloc défensif et participe à l’occupation du camp adverse, à sa conquête, à sa colonisation. La largeur est trouvée si vite que le bloc équipe se transforme rapidement en une longue muraille sans épaisseur, qui sera fatalement percée, en un appel, en une passe, comme on le voit très bien sur le troisième but inscrit par Robben. Kroos est totalement obsédé par la recherche de la largeur : il trouve Rafinha sans même passer par Lahm, le latéral brésilien sert Robben qui transmet à Ribery. Le Français, exilé à droite, centre en retrait. A ce moment là, la défense du CSKA n’est déjà plus qu’une longue palissade de bambou distendue et abimée. Alaba, arrière gauche en position de 10, s’amuse à la franchir d’une louche insolente. Robben se fait plaisir. 3-0.
Mini-bilan
Aujourd’hui, avec 13 points en 5 journées de BuLi, une SuperCoupe d’Europe et une première victoire éclatante en Ligue des champions, le Bayern, s’il n’est pas intouchable, est sur de bons rails. En tout cas, il emmagasine de la confiance, et se trouve collectivement. Le choc de la prochaine journée face à City pourrait nous réserver un match attaque/défense – ou plutôt, attaque placée/contre-attaque – de l’intensité d’une finale, à l’image de ce qu’on a vu contre Chelsea, fin Aout.
Victor