Eliminé aux tirs-au-but par le pays organisateur après avoir fait tombé le tenant du titre, le Chili a ému le monde du football. Si sa défaite fut vécue comme un drame, la bande à Sampaoli méritait-elle de se qualifier au vu du contenu du match ?
Sanchez et Vidal ont polarisé le jeu
Comme face à l’Espagne, Jorge Sampaoli a pris le parti de densifier son milieu de terrain, la présence d’Aranguiz faisant glisser Vidal d’un cran. Le Turinois présente plus de garanties défensives que Valdivia, autre préposé au poste de « 10 » dans le système de Sampaoli.
Conséquence directe ou pas, force est de constater qu’offensivement, le Chili a finalement rendu une copie assez pauvre. Alexis est (très) souvent recherché directement sur des longs ballons ou des passes verticales au sol, quand il ne décroche pas jusqu’au milieu de terrain pour aider la relance. Sa qualité lui permet de réaliser des enchainements [contrôle – dribble – passe] de haut niveau, mais ce n’est pas la qualité collective du Chili qui prime à ce moment –là. On peut dire la même chose de Vidal.
Evidemment, le pressing brésilien n’est pas pour rien dans cette orientation du jeu. Quand Medel donnait la première impulsion, Fred traquait Arranguiz, alors que Marcelo venait chasser Alexis en individuelle jusqu’à ses décrochages les plus bas. Discret là ou on l’attendait, c’est à dire dans l’utilisation du ballon et la projection, Fernandinho a trouve son utilité dans le pourrissement de la relance chilienne : un tampon pour Arranguiz et un bon pressing sur Vidal dans les 10 premières minutes viennent également forcer le jeu long des hommes de Sampaoli. Les nombreuses fautes commises par le Brésil dans la zone de relance du Chili sont d’ailleurs une statistique à interpréter assez positivement.
La Seleção qui a commencé le match sans le ballon et ne l’a jamais vraiment tenu par la suite (49%) n’était pas bien plus riche collectivement, mais Neymar et Hulk se sont mis au niveau dans la percussion.
Mena – Isla / les déclas de Sampa
Les deux joueurs dont la ligne de stats trahi le plus cette « non-domination » du Chili sont Isla et Mena. 2 centres pour le premier, 4 pour le second. 10 passes réussies dans le dernier tiers pour Isla, 7 pour Mena. C’est trop peu en 120 minutes, et ça ne colle pas vraiment avec les déclarations de Sampaoli, qui annonçait que Le Chili allait « chercher à gagner plutôt qu’à bloquer l’adversaire ».
La performance défensive des deux latéraux contredit également les déclarations ambitieuses du sélectionneur argentin de la Roja. Aucun tacle tenté et aucun ballon gagné ou intercepté dans le camp adverse à eux deux. C’est bien en 5-3-2, et sûrement pas en 3-5-2 qu’a évolué le Chili.
Et si cette organisation ne lui a pas spécialement permis de maitriser le jeu, elle ne lui a pas non-plus offert une grande assise défensive : Quand David Luiz ouvre le score, le décalage a déjà été créé des deux côtés. D’abord sur le une-deux Hulk – Neymar face à Isla ; Mena se rendant ensuite coupable d’une main grossière, laquelle amène le corner du 1-0.
Le but de Sanchez et les occasions
Même quand le Chili a logiquement pris le parti définitif de mettre le pied sur le ballon après l’ouverture du score, il n’arrive pas vraiment à imposer sa maitrise. L’axe est toujours bouché par Fred, Fernandinho et Luis Gustavo et peu de solutions sont offertes aux 3 défenseurs. Le seul moyen de créer le danger est d’allonger, puis de gagner les seconds ballons. Mais le repli brésilien est efficace et l’accès au dernier tiers est fermé. Finalement, c’est par une frappe de Neymar que se conclut cette séquence de possession après l’ouverture du score.
Si la Roja parvient à s’installer dans le camp du Brésil avant de marquer, l’égalisation du Chili ne vient pas non-plus contredire ce point de vue dans sa construction : Alexis, Vidal, puis Arranguiz font progresser l’action en sous-nombre et le pressing de Mena permet finalement de récupérer haut. Quand le changement d’aile s’opère, il faut une extension irréelle de Vidal pour empêcher le six-mètres et le changer en une touche qui fera mouche grâce au pressing.
Pressing qui sera également déclenché sur la première relance courte de Julio César juste avant la mi-temps. Mais là non-plus, le surnombre n’est pas créé et le retour de David Luiz anéantit les espoirs de Vargas.
L’entrée de Gimenez pour un Vargas discret est n’a pas forcément eu un grand impact dans le jeu, excepté sur la touche jouée rapidement qui provoque la grosse occasion d’Arranguiz à l’heure de jeu. Le mouvement est fluide, mais il s’agit bien d’une phase arrêtée, et pas d’une séquence placée. Les mouvements variés impliquant d’autres joueurs que le Turinois et le Barcelonais étaient trop sporadiques, pour ne pas dire inexistants.
La dernière séquence positive du Chili est évidemment la frappe de Pinilla sur la barre, mais là encore, le Chili attaque à 3, sur un long ballon de Claudio Bravo.
Conclusion : Le Chili à sa place
23 tirs à 13 ; 9 corners à 5 ; 31 ballons à 17 gagnés dans le camp adverse : Le Brésil a dominé toute les catégories statistiques et a été plus dangereux que le Chili. Le pressing ou la conservation du ballon n’ont jamais été des armes utilisées par le Chili pour se prémunir du danger. Logiquement, de nombreuses situations chaudes ont fait tremblé le banc de Sampaoli.
De pressing tout terrain, d’occupation du camp adverse, de touches de balles réduites, il n’y a pas eu sur la pelouse de Belo Horizonte. Le Chili a défendu la plupart du temps (tout le temps) en 5-3-2 et s’il a produit quelques séquences sur la largeur, son jeu offensif était essentiellement constitué de longs ballons à destination de Vidal et Sanchez, lesquels méritent du crédit pour la manière dont ils les ont bonifiés.
En renonçant à Valdivia, Sampaoli s’est peut-être un peu compromis, ce qui n’est pas vraiment en phase avec ses promesses et sa préconception du jeu. Le spectacle en a pâti. Le Chili a envoyé 82 long ballons et n’a tenu le ballon qu’à 51%, sans dominer la possession territoriale.
Le seul endroit ou le Chili a créé le surnombre, c’est son premier tiers, grâce à sa défense à 5. Et ce sans une grande efficacité, vu son déficit athlétique (1m76 de moyenne derrière).
Ses mérites sont grands, mes ils sont bien plus individuels que collectifs. Sanchez et Vidal ont beaucoup apporté en position isolée, Medel a guidé courageusement la défense avec un échafaudage sur la cuisse. Alexis n’était pas là pour apporter de la variété mais pour faire la différence. Le dépassement de fonction est venu des joueurs offensifs, finalement comme chez Van Gaal, leader contre son grès du mouvement bétonista durant ce mondial.
Collectivement le Chili ne peut pas revendiquer un scandale de quitter ainsi le tournoi, même s’il passe à une série de tirs-aux-buts d’éliminer le tenant du titre et l’hôte/favori du tournoi…
Victor